Près de vingt ans après sa première parution chez Fantagraphics Books, Ghost world, dont les héroïnes ont toujours la peau grasse, est LE roman graphique emblématique de l’adolescence désabusée. Daniel Clowes s’immisce dans la vie d’Enid et Becky, à cet âge ingrat qu’elles sont prêtes à quitter, non sans regrets inavoués… En retraçant l’été des deux amies jusqu’ici inséparables – mais cela ne saurait durer –, Ghost world évoque leur petite existence minable, dans un bled tout aussi minable du fin fond des États-Unis. Enid Coleslaw (mais?! c’est l’anagramme de Daniel Clowes!) et Rebecca Doppelmeyer posent un regard glacial sur le monde et les adultes qui le peuplent, à commencer par leurs parents, qui ne sont pour elles que des enveloppes charnelles sans convictions à qui elles désespèrent de ressembler un jour. Va pourtant se poser la question, à l’issue du récit, de savoir ce qu’il adviendra de leur vie désormais. Une fois encore, Daniel Clowes crache au visage de l’Amérique conformiste et propose sa vision d’un «monde de fantômes» vide de sens, où des étincelles de beauté peuvent naître là où on ne les attend pas.